Promis, on garde pour un grand réalisateur les droits ciné de notre épopée Indienne, car on peut dire que ça n’arrête pas de rebondir. Nous avons beau être à 1600km des côtes du sous-continent Indien, à l’heure qu’il est, nous revoilà « retenus » contre notre gré sur la riante île de Car Nicobar… Ha ha ha, à ce point, ça devient vraiment rigolo. Le problème des îles interdites, comme par exemple les îles Nicobar, c’est que vous ne savez pas trop sur quoi vous allez tomber. Une île déserte, peuplée de 3 ou 4 tribus d’anthropophages n’ayant jamais vu d’homme blanc (mais attirés par la nouvelle cuisine) ? Un centre de recherche ultra secret de l’armée Indienne ou ils mettent au point les cheese nan qui résisteront à un séjour dans l’espace ? Un lupanar géant vendu à un multimiliardaire Tamoul, qui nous recevra dans son palais de 3000 chambres ? Bref, on en savait rien. On penchait tout de même plus sur le caillou désert. Nous nous sommes donc approché sans méfiance de la Savai Bay, sise au Nord Ouest de l’île Car Nicobar, la plus protégée de la houle pour nous permettre d’effectuer cette réparation sur nos safrans (merci encore au chantier Ultramarine de ne pas avoir suivi les plans de l’architecte, on vous adore les gars !). Mais en arrivant dans la baie, nondediou, une grosse digue, plein de bâtiments… Flûte ! Pas de panique, il s’agit certainement d’une ancienne léproserie abandonnée. On met l’ancre du côté opposé, et évidemment, à peine mouillés « Port Control to Sailing Yacht, Port Control to Sailing Yacht »… Et hop, c’est parti, bienvenue en Inde. Malheureusement, je n’entends rien à ce que le gars me demande, et le type ne trouve qu’à me répondre « vous parlez trop Monsieur, veuillez juste répondre à mes questions ! » « Mais bon sang, je les entends pas tes questions, alors oui, je te raconte ma vie ». Mais lui, ce qui l’intéresse, c’est le tirant d’eau du bateau, son gross tonnage, sa largeur, le nom de mon père (oui oui, le nom de mon père…). Et évidemment, une fois la réparation de fortune faite (malheureusement, pas miraculeux), nous sommes sommés de venir au quai, derrière la grosse digue, pour une Innnnnspection ! Qu’aurions-nous dû faire ? Nous barrer en faisant semblant de ne pas entendre leur radio, et prendre le risque de se faire bombarder par l’un des sous marin nucléaire que nous avons vendu à ce riant pays ? On a plutôt choisi l’expérience « découvrons en rigolant », se taper encore un peu d’administration indienne. Donc hop, direction le quai de l’île interdite… whouuuu, ça fait peur. Et c’est vrai que le comité d’accueil est un peu effrayant. Une bande de villageois (merde, ya des vrais habitants, pas des chercheurs de l’armée, on va se faire bouffer) à l’air consterné nous regarde arriver, nos enfants à poil qui sautent sur le trampoline, ce bateau pour eux sorti d’un épisode de Star Trek, une femme à demi nue (enfin qui montre ses épaules)… On leur lance les amarres, qu’ils regardent l’air ahuri ne comprenant pas ce qu’ils doivent en faire « mais si, regarde, tu la tournes autour de la bite, oui, non, non non non, pas comme ça… oui, oui, on y est ». Le type me sourit. Ha non, c’est aps un sourire, c’est un monstrueux bec de lièvre… pfiouuu, ça va être sympa l’escale… Le vent nous éloigne du quai, ce qui, heureusement, nous maintient à 1 mètre de ce groupe de semis zombis prêt à nous sauter à la gorge. La voix à la Radio nous rappelle que nous ne devons pas descendre à terre (ça va pas la tête non, pas envie de se faire bouffer), ce que nous respectons scrupuleusement. Les officiels sont « on the way » nous confirme t’il. C’est donc 4 heures plus tard (hé oui, l’île fait 10km de diagonale quand même) qu’arrivent à bord : – le sous officier de la Police locale – Le représentant de la « Indian Intelligence » – Le gars des « phares et balises » – Le gars qui vient pour les cacaouètes. Et hop, c’est reparti. Nom, adresse, destination, port d’enregistrement, patatipatata. Tout ça pour repartir avec nos passeports (éh éh, nous voilà otages), et une lettre manuscrite du Captain expliquant pourquoi on s’est arrêté (c’est vrai ça, POURQUOI on s’est arrêté), et demandant aux Super Intendant des îles Andaman et Nicobar de bien vouloir nous laisser partir sans servir de nourriture aux tribus locale (car oui, le sous officier me l’a bien confirmé, les îles sont peuplés de « Tribal Population », les drôles de types qui nous regardent depuis le quai, emmenant leurs femmes, leurs enfants, nous prenant en photo (parce qu’aujourd’hui, le « tribal gars de l’île interdite » à son compte Instagram). On nous promet une réponse « peut être pour demain soir »… Ha ha ! L’Inde ! Elle nous fait quand même bien rigoler. Bof, c’est l’occasion pour nous de se reposer au quai après ces 5 jours éprouvants (dont 3 de barre ininterrompus). Toujours pas le droit d’aller à terre, mais bon, on s’entraîne à simuler un bec de lièvre du moyen âge, et dès demain, c’est sûr, on pourra tenter de s’aventurer en territoire « interdit »… Pour finir, une question très sérieuse à nos lecteurs connectés : Quelqu’un peut il nous envoyer les extraits des textes qui régissent un arrêt d’urgence d’un navire dans les eaux d’un pays ? Nous avons toujours entendu dire qu’un pays était dans l’obligation d’accepter une escale de 72 heures à un bateau nécessitant des réparations. Sans pour autant donner le droit de descendre à terre. Mais qu’en est il du droit de ce pays de conserver les passeports, et surtout de retarder le départ du bateau sous prétexte d’obtenir la clearance d’une autorité quelconque ? On ne sait jamais, s’ils commencent à faire du zèle, et à nécessiter une semaine pour nous relâcher, nous aimerions avoir quelques arguments juridiques à leur opposer. Donc, si vous pouviez, chers lecteurs, faire une petite recherche internet pour nous et nous en envoyer les résultats, ce serait fantastique. La nuit tombe sur Car Nicobar. La petite famille au grand complet roupille. Des retardataires de l’armée (les pauvres n’avaient pas pu venir avant), viennent de passer. Scène surréaliste, sur le quai, à la lueur du téléphone portable, à leur dicter mon adresse et téléphone en France, le nom de mon père (décidément), l’âge de mes enfants, la longueur de mes poils de dessous de bras… Haaaaa, Incredible India ! 350 miles à parcourir jusqu’à Phuket. En fonction des évènements, entre 2 jours et 2 mois. Pour nous envoyer des oranges : La famille du Captain dont le père s’appelle Alain Fleury Quai pourri de l’île interdite Car Nicobar Inde (éh oui, car c’est bien de l’Inde qu’il s’agit)